Transcription de LRT_02_01_00249 Jean-Philippe Toussaint Transcripteur mathildelaplace Gestionnaire brigittefc

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Laboratoire Litt&Arts Brouillons de La Réticence Jean-Philippe Toussaint
II. 219

La dernière fois que j'avais vu Hélène, c'était à Paris, il y a onzedouze jours exactement, et nous avions fait l'amour ensemble pour la première fois. Depuis, je ne l'avais plus revue. Nous nous étions ratés un soir dans une brasserie où elle m'avait donné rendez-vous, ou plutôt je n'avais pas pu me résoudre ce soir-là à franchir les quelques mètres qui ne séparaient d'elle, car j'étais arrivé très en avance  dans la brasseriece soir-là ce soir-làet lorsque elle arriva elle-même, dans la brasserie, je ne bougeai pas, je ne sais pas pourquoi, je demeurai assisassis immobilesur la banquette d'angle que j'occupais dans le fond de la sallesans me manifester. Elle jeta un coup d'œil alentour sans me voir et alla prendre place à une table près de la baie vitrée. Elle était vêtue d'un chemisier blanc et d'une jupe verte ample et légère, ses lèvres et ses yeux étaient légèrement maquillés et il y avait quelque chose de radieux et de simple dans son visage qui me touchait. Elle m'attendit sans impatience, comme si elle n'attendait personne, commanda un café en jetant de temps à autre un regard tranquille à travers la baie vitrée. Puis, au bout d'une vintaine de minutes environ, elle sortit un livre de son sac et commença à lire. Je ne la quittais pratiquement pas des yeux, apercevant son reflet de profil dans le miroir qui me faisait face, et j'éprouvais le sentiment d'être idéalement présent à ses côtés, beaucoup plus présent  sans doute sûrement peut-être que si j'avais été réellement à côté d'elle, car je me serais alors sûrement aussitôt sans doute sans doute aussitôtréfugié dans une sorte d'absence intouchable et protectrice. D'une certaine manière, pourtant, cela ne m'aurait pas déplu qu'elle m'eût soudain aperçu à l'improviste dans la salle et qu'elle fût venue me rejoindre, je lui aurais souri sûrement, les yeux baissés, et lui aurais reproché amèrement de m'avoir fait attendre