Transcription de LRT_06_02_00038 Jean-Philippe Toussaint Transcripteur morshan

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Laboratoire Litt&Arts Brouillons de La Réticence Jean-Philippe Toussaint
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la nuit dernière — et de cela j'en étais sûr — Biaggi ne se trouvait pas chez lui.

J'étais descendu dans la salle à manger pour prendre le petit-déjeuner, et le patron ne m'adressa pas un regard quand j'entrai dans la pièce. Des restes de petit-déjeuner se trouvaient encore sur les tables, petites portions de confiture et échantillons de beurre qui traînaient dans les assiettes, avec quelques miettes çà et là et des serviettes froissées abandonnées sur les nappes. Quatre tables avaient ainsi été occupées, et cela m'intrigua car il me semblait que les autres jours il n'y en avait pas autant. Se pouvait-il que quelqu'un qui ne prenait pas de petit-déjeuner d'habitude fût descendu le prendre ce matin pour la première fois ? Se pouvait-il que Biaggi — car je songeai immédiatement à Biaggi — fût descendu prendre le petit-déjeuner ce matin dans la salle à manger ? Mais si c'était Biaggi, me disais-je, pourquoi serait-il descendu précisément ce matin pour la première fois ? Pourquoi, s'il se trouvait à l'hôtel, ne s'était-il pas fait monter son petit-déjeuner dans sa chambre comme il avait dû le faire les autres jours ? Lui était-il égal maintenant que je sache qu'il se trouvait à l'hôtel, ou s'était-il rendu compte que je m'en doutais et ne cherchait-il plus désormais à s'en cacher ?

Lorsque le patron m'apporta mon café, qu'il déposa sans dire un mot sur la table, il s'attarda un instant debout devant la baie vitrée de la salle à manger à regarder dehors. La terrasse était déserte derrière les vitres, et il pleu- | vinait dehors. Le petit muret de pierres en construction que l'on apercevait un peu plus loin avait été sommairement recouvert d' par une grande bâche en plastique transparent que le vent soulevait à l'occasion. Quelques outils de maçon traînaient dans la boue à proximité, tandis que les branches des tamaris, tout autour, dégouttaient lentement de pluie. Le patron était toujours à côté de moi, et il qui continuait de regarder dehors sans me prêter la moindre attention. Vous avez mal dormi la nuit dernière, non ? me dit-il, et sa phrase flotta un instant dans l'air. Il l'avait dite sans changer