Transcription de LRT_05_01_00006 Jean-Philippe Toussaint Relecteur DU Jiayi Gestionnaire brigittefc

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Laboratoire Litt&Arts Brouillons de La Réticence Jean-Philippe Toussaint
V ① 6

l'hôtel, car c'était de ce chat sans doute qu'il avait dû me parler ce matin,  qui avait dû profiter de ce que la baie vitrée de la salle à manger avait été laissée ouverte la nuit dernière pour entrer dans l'hôtel et rôder dans la pénombre, se glissant furtivement entre les tables de la salle à manger, les yeux verts luminescents qui brillaient dans la faible clarté lunaire, et qui s'était enfui dès que le patron était entré.

Je m'étais rendu dans le port, et je me tenais debout à l'extrémité de la jetée, mon manteau serré autour de moi. Je n'entendais aucun bruit dans le port, seulement le murmure de la mer, tout près, le bruit des vagues qui se brisaient sur les rochers, et je regardais l'île de Sasuelo qui se dessinait au loin dans l'obscurité. La lumière du phare tournait avec régularité au-dessus de la surface de la mer, et je regardais ce long faisceau lumineux qui traversait fugitivement la nuit en songeant que je n'arriverais pas à m'endormir si je rentrais me coucher maintenant. La nuit dernière déjà, le long faisceau lumineux de phare de l'île de Sasuelo avait tourné toute la nuit   dans mon sommeil. Il avait tourné avec une régularité lancinante, balayant les  ténèbres pour   s'éloigner et réapparaître aussitôt sous devant mes yeux sans me laisser de répit. C'était toujours le même cône fulgurant de clarté qui  surgissait à l'improviste devant moi     et grandissait à pleine vitesse dans le noir pour venir m'aveugler brutalement, et j'attendais alors avec effroi le prochain passage de la lumière, ne voyant bientôt plus que mon propre regard affolé qui affleurait lentemant à la surface de mon sommeil, mes yeux à l'affût dans la pénombre dont les pupilles s'élargissaient et se retrécissaient sans cesse à chaque passage de la lumière, mes yeux fixes devant moi, démunis et inquiets, écarquillés dans la nuit.

Car Biaggi se trouvait sur l'île de Sasuelo en réalité, le cadavre de Biaggi raide et déjà décomposé dans son caban mouillé se trouvait sur l'île de Sasuelo en ce moment, . Il ne pouvait pas le contrôler, car, après avoir flotté un moment sur le dos dans les eaux noires du port, il avait dû être repêché et hissé à bord d'une barque