Transcription de LRT_06_01_00043 Jean-Philippe Toussaint Transcripteur AnthonyYss Gestionnaire brigittefc

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Laboratoire Litt&Arts Brouillons de La Réticence Jean-Philippe Toussaint
VI, (1), 43

le noir la nuit. Vous êtes bien au quatre-vingt quinze, trente et un, trentre-quatre,quarante-trois. Nous sommes absents pour le moment. Vous pouvez nous laisserun message après le — et j'aurais raccroché, je n'aurais pas laissé de message.

Il était un peu plus de huit heures et demie lorsque je me rendis dansle port le lendemain matin. Le ciel était très gris à l'horizon quand j'arrivaisur la jetée, et quelques longs nuages noirs immobiles flottaient dans l'airau-dessus de l'île de Sasuelo. Le phare était éteint depuis quelques heuresmaintenant, et je regardais sa silhouette allongée qui se détachait dans labrume en me demandant si quelqu'un s'était rendu dans l'île de Sasuelo un deces derniers jours. Car, même s'il n'y avait plus de gardien qui vivait en per-manence sur l'île depuis que les instruments du phare avaient été automatisés,il fallait bien que les visites d'entretien soient effectuées de temps à autre.Il fallait donc bien que quelqu'un chargé de la maintenance du phare se rendedans l'île de façon régulière. Mais, ce dont je n'arrivais pas à me faire uneidée en réalité, c'était le rythme avec lequel ces visites pouvaient êtreeffectuées, était-ce tous les mois, ou bien une fois par semaine, ou bienencore tous les deux ou trois jours ? Car, si c'était aussi régulier, medisais-je, il était certain que quelqu'un avait dû se rendre dans l'île unde ces deux derniers jours. Et je me mis à imaginer alors que, ce matin, quelqu'unavait pu guetter ma sortie de l'hôtel quand je m'étais rendu dans le port,quelqu'un qui se trouvait encore dans le village en ce moment maintenant et qui était  en train de m'observer.

Je m'étais assis sur une borne de pierre au bout de la jetée, et jeregardais la place du village qui s'étendait de l'autre côté du port. Iln'y avait personne sur la place, et le vent soufflait de façon continue auras du sol, qui soulevait des tourbillons de poussière en emportant de vieux