Je m'étais rendu dans le port, et je me tenais debout à l'extrémité de la jetée, mon manteau serré autour de moi. Je n'entendais aucun bruit dans le port, seulement le murmure de la mer, tout près, le bruit des vagues qui se brisaient sur les rochers, et je regardais l'Île de Sasuelo qui se dessinait au loin dans l'obscurité. La lumière de phare tournait avec régularité au-dessus de la surface de la mer, et je regardais ce long faisceau lumineux qui traversait fugitivement la nuit en songeant que je n'arriverais pas à m'endormir si je rentrais me coucher maintenant. La nuit dernière déjà, le long faisceau lumineux du phare de l'Ile de Sasuelo avait tourné toute la nuit dans mon sommeil. Il avait tourné dans mon sommeil avec une régularité lancinante, balayant les ténèbres pour s'éloigner et réapparaître aussitôt devant  sous mes yeux sans me laisser de répit. C'était toujours  le même cône fulgurant de clarté qui surgissait à l'improviste devant mes yeux et grandissait à pleine vitesse dans le noir pour venir m'aveugler brutalement, et j'attendais alors avec effroi le prochain passage de la lumière, ne voyant bientôt plus que mon propre regard affolé qui affleurait lentement à la surface de mon sommeil, mes yeux à l'affût dans la pénombre dont les pupilles s'élargissaient et se retrécissaient sans cesse à chaque passage de la lumière du phare, mes yeux fixes devant moi, démunis et inquiets, écarquillés dans la nuit. Car Biaggi se trouvait sur l'Île de Sasuelo en réalité, le cadavre de Biaggi raide et déjà décomposé dans son caban mouillé se trouvait sur l'Île de Sasuelo en ce moment en ce moment depuis deux jours ????? en réalité car,  qui après avoir flotté un moment un moment sur le dos dans les eaux noires du port, il avait dû être repêché et hissé à bord d'une barque de pêche qui avait pris la mer sous le même clair de lune que celui de cette nuit, le même exaxtement, avec les