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Chapitre
ENFIN FEMINISTE
- Je trouve que ce sont les hommes, éminents ou non, qui sont victimes de leurs phantasmes parmi lesquels la supériorité du phallus ! Et ce qui me rassure, c’est l’opinion de TOUS les grammairiens éminents de ce siècle, qui dénoncent depuis des années un blocage qui ne se situe pas du tout au niveau du vocabulaire mais à celui des mentalités.
- Fernand Brunot déplorait déjà en 1922 « l’affreux Mme LE qui gâte tant de nos textes ».
- Albert Dauzat : « Quand on aura persuadé les femmes que le féminin n’est pas une déchéance, au contraire, le terrain sera libéré d’une lourde hypothèque... La femme qui préfère pour le nom de sa profession le masculin au féminin accuse par là même un complexe d’infériorité qui trahit ses revendications légitimes. Dérober son sexe derrière le genre adverse, c’est le trahir. Dire « Mme le » directeur, « Mme le » docteur, c’est proclam la supériorité du mâle dont le genre masculin est l’expression grammaticale » (Guide du bon usage, 1955.)
- D’amourette et Pichon, auteurs de Des mots à la pensée, en 1920, écrivaient : « La facilité du français à former des féminins différenciés devrait détourner les femmes adoptant des professions jusque-là masculines de ridiculiser leurs efforts méritoires par des dénominations masculines écœurantes et grotesques, attentatoires au génie de la langue... »
- Enfin, Robert Le Bidois, autorité en matière de langage, approuvait la féminisation et optait pour les féminins en « eure », comme au Québec, (proviseure, docteure, ingénieure) pour inciter les usagers à utiliser le déterminant féminin.
- Même chose pour le grammairien belge Joseph Hanse, qui faisait partie de notre commission où ne siègeaient pas seulement des femmes comme on voulait le faire croire ; ou pour Maurice Chaplan, qui signait Aristide dans Le Figaro, et concluait une de ses chroniques par : « Vive la ministre, la députée, la préfète, l’ingénieure, la professeure... »
Josyane - Mais alors, malgré le poids de ces spécialistes « éminents », d’où vient que rien ne bouge ?
Benoîte Je pense que le refus du féminin fait partie d’une stratégie d’ensemble, plous plus ou moins consciente pour retarder cette lame de fond qu’est l’accession des femmes au pouvoir. A tous les pouvoirs y compris celui de nommer. Il est clair que les féminins se raréfient à mesure qu’on monte dans l’échelle sociale. L’acceptation du féminin est inversement proportionnelle au prestige de la profession. Vous êtes boulangère, opératrice, concierge mais si vous montez en grade apparaissent soudain toutes sortes de raisons prétendument linguistiques ou philosophiques pour refuser le féminin. On est la doyenne si on est centenaire mais Mme LE doyen à l’Université. Se dire conservatrice de Musée, un mot grammaticalement correct pourtant,