Transcription de 31AF19_001_05_020 Transcripteur FF

Transcription effectuée sur la plateforme TACT: http://tact.demarre-shs.fr/ Etat de la fiche sur TACT : Transcription en relecture

Laboratoire Litt&Arts

Texte transcrit

<fw type="page" place="">-17-</fw>Chapitre VII<hi rend="underline">CHER PAUL</hi>près de Raguenès. Je me rappelle encore le prix : cinqmille francs avec trois ares et quatre-vingts centiaresd'un petit jardin de curé. Pas d'eau courante, pas d'élec-tricité. A part le chaume neuf, de la vraie paille deseigle, pas du roseau comme aujourd'hui, j'ai presquetout fait moi-même. Les poutres passées à l'huile de lin,le plafond au vernis à bateau, du V33 rouge sur le sol enciment pour imiter les tomettes que nous ne pouvionspas nous offrir; les volets et les portes à peindre en bleu,la terrasse en pierres plates ramassées une à une au pieddes murets des environs et rapportées en brouette., la nuit.

Chaque amélioration, chaque étape vers le confort-la première année où nous n'avons plus eu besoin detirer l'eau du puits; la première douche déclenchée par

un robinet au lieu du seau d'eau, très ingénieux, qu'on hissait au plafond avec une poulie et dont on actionnaitla bonde en forme de pomme d'arrosoir avec uneficelle.... Le premier chauffage à catalyse pour rempla-cer le butane qui faisait ruisseler l'eau sur les murs....-,chaque avancée représentait un tour de force financieret une victoire personnelle. Aucune maison n'a été plushumide, plus malcommode, plus souvent inondée(nous étions en contrebas d'un chemin boueux), plusobstinée à retourner à sa vocation d'étable à vaches,plus enfumée (la magnifique cheminée de granit refusatoujours de tirer), plus meurtrière enfin, pour le crânedes visiteurs dépassant un mètre soixante (les Bretonssont petits et les linteaux de pierre des portes placéstrès bas). Aucune ne m'a donné plus de joie et de fierté.

Ne restait pour combler mes rêves qu'à acheter notre unpremier bateau, le premier d'une très longue série :  ce futune vieille pinasse, le Fleur d'Ajonc, immédiatement re-baptisé Potemkine et peint en noir avec un liseré rouge.Il n'est resté avec nous que 3 mois ! Nous ne savions pasencore qu'il ne faut jamais plaisanter avec les noms debaptème des embarcations, quelles qu'elles soient. Notrebarque du Morbihan qui mesurait 5 mètres n'a pas apprécié de porter le nomd'un cuirassé de la flotte russe et elle a pris feu l'été3 mois plus tard suivant, suite à l'imprudence d'un mécanicien venuremplir le réservoir d'essence.

Au suivant, nous avons laissé son nom deKenavo et il s'est acquitté pendant 10 ans de sa tâche,comme un bon cheval fidèle.

???, je me mentirai si je ne suis pas en train de faire mon deuil d'un certain amour.