Transcription de 31AF19_001_06_02_003 Transcripteur joelyne

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Laboratoire Litt&Arts

Texte transcrit

BENOITE à l'état-civil mais ce prénom se révélant rugueux sans doute pour un bon gros bébé placide ils préférèrent mon èmeprénom : Rosie. Aucun des deux ne m'a jamais appelée Benoîte. J'étaisune petite fille conventionnelle, timide, obéïssante et bonne élève,beaucoup plus proche de Camille et Madeleine de Fleurville, deux petites filles modèles sans idées, que de l'insolente Sophie et de la Comtesse de Ségur. Mes parents en tant que parents étaient beaucoup mieux que moi en tant qu'enfant. D'excellents parents qui n'ont eu comme défaut que de rester eux-mêmes avec leur forte personnalité qu'ils n'ont jamais sacrifié sous prétexte de devenir de meilleurs éducateurs pour ma soeur et pour moi. Ils menaient leurs vie et puis nous étions là, c'est tout. Pas de thérapeutes àl'époque pour se pencher sur le pipi au lit tardif, sur ladyslexie qu'on osait qualifier de manque d'application ou sur le médiocre travail en classe qu'on attribuait tout simplement à la paresse, sans crainte de traumatiser à jamais le coupable ! Pas de théoriciens du moindre effort,pas de camouflage des matières scolaires sous des appellations ludiques et frauduleuses laissant croire auxélèves et aux parents que l'on peut s'instruire en faisant l'économie du travail. Pas d'activités d'éveil, impliquant que les autres activités seraient soporifiques ! Pas de psychologues scolaires enfin pour interdire toute punition, toute note trop basse qui pourrait traumatiser le nul, ou pour expliquer - donc justifier - l'insolence vis à vis du prof, voire la violence, ou le passage à tabac avec la complicitéd'un parent, qui ne représentent plus tout bêtement l'ar-rogance et le refus de toute discipline mais un signe d'angoisse des jeunes, un appel au secours qu'il convient non de sanctionner mais de soigner, en remettant en question les enseignants, l'enseignement et la société tout entière.

Nous, d'avant-guerre, étions des enfants, "infans", étymologiquement ceux qui ne parlent pas, qui ne donnent pas leur avis et nos parents à nous étaient "les parents" ; une espèce qui n'avait pas à être jugée ni remise en question.