La villa des Biaggi s'étendait silencieusement derrière les grilles de la propriété, et je la regardais pensivement. J'avais à la main les trois lettres adressées aux Biaggi que je venais de sortir de ma poche, et, comme j'allais les glisser dans la boîte aux lettres et m'en aller, ma main s'immobilisa à quelques centimètres de la boîte et je ressentis ce léger frisson d'angoisse passagère que j'éprouvais toujours au moment de devoir lâcher du courrier dans une boîte aux lettres, qui me faisait toujours entièrement relire mentalement les lettres que je venais d'écrire, me remémorant toutes les tournures de phrases que j'avais employées et m'interrogeant rapidement sur l'orthographe de tel ou tel mot, doutant soudain de l'avoir correctement orthographié, et puis un doute horrible s'emparant de moi au sujet de tel accord, quand ce n'était pas le contenu même des lettres que je venais d'écrire qui qui devenait l'objet de ce doute soudain, et, tandis que toutes ces sensations diffuses se confondaient en moi dans le même instant et que j'avais je choisissais encore de la possibilité de conserver les lettres, que je pouvais encore les rouvrir, les relire, les détruire, c'est à ce moment-là que je les lâchais — et ma main pour- suivit son mouvement, je lâchai les trois lettres dans la boîte aux lettres des Biaggi.