Où l'on voit que les mots sont fondateurs et que leur absence dans le langage n'est pas un simple hasard mais concourt à étouffer toute prise de connscience.
Cette période - les années 70 - a été comme une seconde naissance enn quelque sorte. Elle a abouti en 1975 à une sorte d'explosion de colère et de joie à la fois,qui m'a poussée à écrire un essai sur les femmes, de France et d'ailleurs, qui s'appelait AINSI SOIT-ELLE. J'avais alors... plus de 50 ans... on peut dire que je suis née très tard !
Nous avions déjà publié avec ma soeur Flora 10 ans plus tôt 3 romans dont le "Journal à 4 mains" tiré des carnets que nous avions tenus chaque jour pendant la guerre et l'Occupation entre 1939 et 45. Et nous avions pu mesurer à quel point nous restions parquées dans ce qu'on appelait la condition féminine. Un exemple : la presse nous rappelait sans cesse que nous n'étions pas des écrivains au même titre que les autres... nous trouvions les comptes-rendus de nos livres, non pas dans la rubrique littéraire, mais dans les pages "Pour vous, Mesdames", entre une recette de cuisine et des conseils de beauté !
Je me souviens d'un titre d'article qui nous avait scandalisées : "Quand ces dames échangent le plumeau contre le stylo". Nous écrivions, d'accord, mais notre vraie fonction, c'était le plumeau. Non la plume. On nous le rappelait sans cesse.
Malgré tout, rien de tel qu'un succès, rien de tel que de gagner sa vie pour se sentir un peu plus l'égale de l'omme. Mais nous nous sentions reléguées dans un ghetto féminin où s'écrivait une sous-littérature un peu comme la musique militaire est un sous-produitde la musique tout court. C'est un peu comme si nous ne nous exprimions pas en Français, mais en Femme,en langage FEMME !