Si j'ai intitulé cette causerie "La Peur hantise de l'égalité",
c'est parce qu'il me semble que tous les beaux raisonnements
religieux, philosophiques, pseudo-scientifiques, qui justifiaient
la domination masculine, se sont effondrés depuis une cinquantaine
d'années ; depuis en somme l'époque de la publication du "IIe Sexe", qui leur a donné le coup de grâce, meêm si beaucoup ne s'en sont pas aperçus tout de suite...Et là est apparue au grand jour la véri-
table raison de l'asservissement plurimillénaire des femmes : la
peur qu'éprouvaient les hommes à l'idée de l'égalité des sexes,
vécue, non comme un partage, mais comme une défaite. Preux.

Cela n'offre plus beaucoup d'intérêt d'énumérer les Pères de l'Eglise, les penseurs, les savants, les hommes politiques
qui ont cherché depuis 2000 ans à démontrer l'infériorité congé-
nitale des femmes. De nombreux livres, écrits par des historiennes
et des chercheuses, ont magistralement dénoncé l'inanité, la
mauvaise foi, le grotesque parfois, des arguments des misogynes,
qu'ils s'appellent Confucius, Hippocrate, Aristote, Confucieus, St Augustin ou
plus près de nous, Spinoza, Shopenhauer, J.J. Rousseau, Nietzche
ou Freud, sans oublier Molière, Balzac, Strindberg, etc. pour
n'en citer qu'une très infime partie.

C'est alors le bon temps de la misogynie triomphante
dont les conséquences n'ont pas fini de peser sur nous. N'oubli-
ons pas en effet que TOUTE pensée a été masculine TOUT AU LONG
de l'histoire de l'humanité. Et il faut bien mesurer le poids
écrasant d'une théologie, d'une philosophie, d'une science, y
compris la psychanalyse, d'une histoire artistique aussi,
entièrement élaborées et pratiquées par les seuls mâles de
l'espèce humaine. On imagine l'impact de cette donnée sur l'
image des femmes. L'image que l'on se fait d'elles, et, plus grave, l'image qu'elles se font d'elles-mêmes.

Siècle après siècle, cette déconsidération radicale du
IIe sexe a fondé ce que XX l'ethnologue Germaine Tillon appelait
"la plus massive survivance de l'esclavage." Un XXXesclavage qui
impliquait une extinction totale des femmes, sur le plan social,
intellectuel et créateur. Extinction qui se perpétue sans
changement notoire dans d'autres sociétés que la nôtre par l'enfermement, les mutilations sexuelles en Afrique, la mise à mort pour
insuffisance de dot, (en Inde) ou pour l'honneur familial, (dans
le monde arabe) ou pour simple "délit de naissance"... (voir les