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question, la famille traditionnelle est ébranlée et... mes propres fondements sur
lesquels j'avais vécu tant bien que mal pendant 40 ans, se sont lézardés eux aussi.
J'ai d'abord découvert les bienfaits de la prise de parole. Des milliers de femmes ont
témoigné, des centaines de biographies ont paru mettant en lumière enfin des
femmes aussi différentes qu’Alma Mahler, Lou-Andréas Salomé, Jenny Marx, Flora
Tristan, toutes ces passionnantes figures sont sorties de l'obscurité, des oubliettes
de l'Histoire. En quelques années nous avons découvert l'importance de la solidarité
pour faire avancer les revendications des femmes et nous avons découvert en même
temps qu'il n'existait pas de mot en français pour définir cette alliance. Alors que le
mot FRATERNITE avait été un mot fondateur de l'identité des hommes depuis
l'Antiquité, l'équivalent féminin, c'est-à-dire SOROTITE n'existait tout simplement
pas ! (cf. Le Quillet, Le Larousse, le Robert). Où l’on voit que l’absence de certains
mots dans le langage n'est pas due au hasard mais concourt à étouffer toute prise
de conscience. Et l’on en vient ainsi à mesurer l'importance des mots pour structurer
sa pensée ; les mots, c'est-à-dire le matériau du roman.
Cette période — les années 70 — a été pour moi comme une seconde naissance en
quelque sorte, qui a abouti en 1975 à une sorte d’explosion de colère et de joie à la
fois, sous forme d’un essai sur la vie des femmes de France et d’ailleurs, qui
s’intitulait AINSI SOIT-ELLE. J'avais alors... plus de 50 ans... On peut dire que je
suis née très tard dans ma vie ! Pourtant, nous avions déjà publié avec ma sœur
Flora 3 romans, dont le Journal à 4 mains, tiré des carnets que nous avions tenus
chaque jour entre 39 et 45, durant l'Occupation (l'écriture, discipline familiale).
Mais nous avions pu mesurer à quel point nous restions parquées dans un statut de
sous-écrivains. On rendait compte de nos romans le plus souvent à la page « Pour
vous, mesdames », entre une recette de cuisine et des conseils de beauté. Pas de
rubrique littéraire. Je citerai en exemple ce titre d'article : « Quand ces dames
échangent le plumeau contre le stylo » !! Nous écrivions.. d'accord ! Mais notre vraie
fonction, c'était le plumeau. Non la plume ! On nous le rappelait sans cesse.
Pourtant, comme ce sont les femmes qui achètent les livres et qui les lisent et malgré
la condescendance des critiques, le Journal à 4 mains puis Féminin Pluriel ont connu
un succès remarquable, et ont paru en feuilleton dans les magazines féminins
comme Elle ou Marie-Claire — Mais nous nous sentions toujours reléguées dans un
ghetto féminin, considéré comme une sous-littérature, comme la musique militaire et
un sous-produit de la musique tout court. Maigré notre succès, nous ne parvenions
pas à sortir du harem en somme et on nous refusait le code d’accès à la vie.
Une des phrases que j'ai entendues le plus souvent, tout au long de ma carrière,
c'est : « Ma femme a adoré vos livres ! » venant d'hommes, amis ou inconnus,
persuadés de me faire plaisir, puisqu'il était évident que les femmes restaient vouées
à ne fabriquer que des ouvrages de dames ». Comme si nous ne nous exprimions
pas en Français mais en « Femme ».
Nos écrits, comme nos paroles d’ailleurs,<(réunions politiques du P.S.)> s’évaporaient dans l'atmosphère, dénués
de toute signification et de tout intérêt pour les hommes, c'est-à-dire pour tous ceux
qui comptaient dans la société.
lesquels j'avais vécu tant bien que mal pendant 40 ans, se sont lézardés eux aussi.
J'ai d'abord découvert les bienfaits de la prise de parole. Des milliers de femmes ont
témoigné, des centaines de biographies ont paru mettant en lumière enfin des
femmes aussi différentes qu’Alma Mahler, Lou-Andréas Salomé, Jenny Marx, Flora
Tristan, toutes ces passionnantes figures sont sorties de l'obscurité, des oubliettes
de l'Histoire. En quelques années nous avons découvert l'importance de la solidarité
pour faire avancer les revendications des femmes et nous avons découvert en même
temps qu'il n'existait pas de mot en français pour définir cette alliance. Alors que le
mot FRATERNITE avait été un mot fondateur de l'identité des hommes depuis
l'Antiquité, l'équivalent féminin, c'est-à-dire SOROTITE n'existait tout simplement
pas ! (cf. Le Quillet, Le Larousse, le Robert). Où l’on voit que l’absence de certains
mots dans le langage n'est pas due au hasard mais concourt à étouffer toute prise
de conscience. Et l’on en vient ainsi à mesurer l'importance des mots pour structurer
sa pensée ; les mots, c'est-à-dire le matériau du roman.
Cette période — les années 70 — a été pour moi comme une seconde naissance en
quelque sorte, qui a abouti en 1975 à une sorte d’explosion de colère et de joie à la
fois, sous forme d’un essai sur la vie des femmes de France et d’ailleurs, qui
s’intitulait AINSI SOIT-ELLE. J'avais alors... plus de 50 ans... On peut dire que je
suis née très tard dans ma vie ! Pourtant, nous avions déjà publié avec ma sœur
Flora 3 romans, dont le Journal à 4 mains, tiré des carnets que nous avions tenus
chaque jour entre 39 et 45, durant l'Occupation (l'écriture, discipline familiale).
Mais nous avions pu mesurer à quel point nous restions parquées dans un statut de
sous-écrivains. On rendait compte de nos romans le plus souvent à la page « Pour
vous, mesdames », entre une recette de cuisine et des conseils de beauté. Pas de
rubrique littéraire. Je citerai en exemple ce titre d'article : « Quand ces dames
échangent le plumeau contre le stylo » !! Nous écrivions.. d'accord ! Mais notre vraie
fonction, c'était le plumeau. Non la plume ! On nous le rappelait sans cesse.
Pourtant, comme ce sont les femmes qui achètent les livres et qui les lisent et malgré
la condescendance des critiques, le Journal à 4 mains puis Féminin Pluriel ont connu
un succès remarquable, et ont paru en feuilleton dans les magazines féminins
comme Elle ou Marie-Claire — Mais nous nous sentions toujours reléguées dans un
ghetto féminin, considéré comme une sous-littérature, comme la musique militaire et
un sous-produit de la musique tout court. Maigré notre succès, nous ne parvenions
pas à sortir du harem en somme et on nous refusait le code d’accès à la vie.
Une des phrases que j'ai entendues le plus souvent, tout au long de ma carrière,
c'est : « Ma femme a adoré vos livres ! » venant d'hommes, amis ou inconnus,
persuadés de me faire plaisir, puisqu'il était évident que les femmes restaient vouées
à ne fabriquer que des ouvrages de dames ». Comme si nous ne nous exprimions
pas en Français mais en « Femme ».
Nos écrits, comme nos paroles d’ailleurs,
de toute signification et de tout intérêt pour les hommes, c'est-à-dire pour tous ceux
qui comptaient dans la société.
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Marrluxia