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Pourtant, portés par la vague post-68, les livres de femmes ne sont plus désormais
une marchandise suspecte réservée à quelques maniaques. Ils ont acquis une
légitimité médiatique, même si les hommes continuent à ne pas les lire.
Témoignages bruts ou réflexions abconses, sérieux ou fous, magnifiques ou parfois
illisibles ils sont toujours émouvants parce qu'ils témoignent d'une parole si
longtemps baîllonnée. Le public est sensibilisé à des réalités jusqu'alors occultées,
considérées comme féminines alors qu’elles sont humaines et impliquent toujours
l’autre sexe : l'inceste, sujet tabou, les femmes battues qui constituaient, encore en
1970, comme dans les fabliaux du Moyen-Age, un sujet de plaisanterie, les violences
conjugales, le scandale des avortements clandestins et bien d'autres thèmes
devenus courants aujourd'hui chez les romanciers des deux sexes.

Dans le journalisme, même mise en marge des femmes : il y a quelques années, une
rédactrice des pages culturelles du journal Le Monde, m'avouait qu'un dénigrement
systématique des éléments féminins était toujours de mise, sous de nouvelles
formes, prétendûment rigolotes.. Chaque semaine il fallait réserver un certain quota
de textes à des questions féminines et cet espace s'appelait «la rubrique
connasses ». Les femmes journalistes se devaient de trouver la plaisanterie
désopilante sous peine d’être accusées de manquer d'humour !

Toutes ces petites humiliations dont chacune est finalement anodine, finissent par
établir un climat d'insécurité et d’autodépréciation, auquel il est difficile d'échapper.

Pour conclure, je voudrais faire appel à Virginia Woolf qui a, tout au long de sa vie et
jusqu’à son suicide, tant manifesté la douleur d'écrire — et le bonheur aussi — et qui a
compris mieux que toute autre les difficultés spécifiques des femmes :

« chaque fois qu’il est question de sorcières, ou de femmes possédées par les
démons, ou de rebouteuses qui vendirent des herbes, ou même d’un homme de
talent dont la mère fut remarquable, je me dis que nous sommes sur la trace d'une
romancière, d’une poète qui ne se révéla pas... de quelque Jane Austen silencieuse
et sans gloire de quelqu'Emily Bronté qui se fit sauter la cervelle sur la lande ou qui,
rendue folle et torturée par son propre génie, courut, le visage convulsé, par les
chemins.

Et je terminerai par la dernière phrase du chapitre de V. Woolf : Le monde ne leur
disait pas ce qu'il disait aux hommes : « Ecrivez si vous voulez, on s’en moque | ».
Le monde leur disait, avec un éclat de rire : « Ecrire ? Pourquoi écririez-vous ? »
Heureusement, le besoin d'écrire est parfois plus fort que tout.

Benoît<<e>> Groult
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