- Eh bien moi, si je suis profondément humiliée, c'est par le fait que nous soyons la dernière démocratie d'Europe pour la représentation des femmes dans les assemblées. Pire, quatre-vingt-quinze pays parmi les cent soixante-seize disposant d'un Parlement ont un pourcentage de femmes supérieur à celui de notre Assemblée nationale. Et puis, j'avoue éprouver une certaine jouissance à voir des députés sur des sièges éjectables... face à des candidates1 qui réclament depuis Olympe de Gouges l'honneur de participer à la gestion de l'Etat et qu'on a régulièrement renvoyées "à leur casseroles", sinon en prison et même à l'échafaud. "Périsse l'égalité plutôt qu'agir en faveur de la parité", s'est écriée Elisabeth Badinter face à Monique Pelletier lors d'une récente émission sur France-Culture. "Je suis contre toute action qui favoriserait le sexe féminin en tant que tel." Mais le sexe féminin, est bien DÉFAVORISÉ en tant que tel lors de chaque élection ! "Il n'y a pas une seule bonne circonscription pour une femme en France", dixit Yvette Roudy.

Josyane - Mais iriez-vous jusqu'à dire que des femmes élues feraient une politique meilleure ?
Benoîte - Elles ne feraient pas forcément une politique "meilleure", la question n'est pas là, mais à coup sûr une politique plus complète, plus respectueuse des intérêts des deux composantes du genre humain. Le premier sexe est défendu dans toute sa diversité et ses particularismes ; pas le deuxième. Il y a des députés de régions agricoles pour défendre les céréaliers ou les éleveurs, des élus de provinces maritimes pour plaider au nom de tous ceux qui vivent de la mer, etc. Comme il n'y a pratiquement pas de femmes à l'Assemblée, les problèmes et les besoins spécifiques des femmes ne sont jamais prioritaires. Nous avons un urgent besoin de députées pour inverser les priorités.

Benoîte Josyane On constate pourtant que les femmes qui ont exercé le pouvoir suprême, Golda Meir, Indira Gandhi, Margaret Thatcher, etc., n'ont rien fait pour les femmes, au contraire...
Benoîte - Au niveau suprême, une femme est obligée de rester conforme et même de donner des preuves de sa conformité.  C'est aux autres niveaux de pouvoir que les femmes pourraient infléchir les options, à condition d'être assez nombreuses.
Josyane - Mais - et je me fais ici l'avocate du diable - obliger les partis à présenter un quota de vingt-cinq ou trente pour cent des femmes, n'est-il pas de nature à inciter d'autres catégories - les musulmans, les homosexuels, les handicapés - à revendiquer aussi un quota d'élus ?
Benoîte - C'est renversant de mettre en circulation des arguments pareils ! Nous sommes, en plus et le cas échéant, musulmanes, homosexuelles ou handicapées. Nous ne sommes pas une catégorie, puisque nous sommes représentées dans toutes! A propos, vous
1 je pense à Jeanne Deroin, Pauline Roland, Hubertine Auclert et d'autres.