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Chapitre VIII
ENFIN FÉMINISTE !

Benoîte - Hélas ! Nous avions vraiment essayé de faire autre chose, avec des femmes qui voulaient parler d’autre chose hs/sujets que d’orgasmes, de trucs pour pièges un mari, de rides, de fesses, de culotte de cheval et de liposuccion. Quand je feuillette vingt trente après, un numéro de magazine avec les signatures de Paula Jacques, France Nespo, Michèle Perrin, Marie Cardinal, Nicole Chaillot, Martine Storti et d’autres ; quand je revois la couverture du n°1 portant une grande photo de Claire Bretecher, l’épaule nue avec une petite « frustrée » dessinée sur la peau, je retrouve l’humour, le dynamisme, l’intelligence de toute cette équipe. Intelligence ! Un mot que l’on n’est pas habitué à associer à la presse féminine, que l’on réserve aux revues masculines comme les Temps modernes ou Tel Quel. Et pourtant, des articles intelligents sur le cinéma, par exemple, et les rôles réservés aux femmes ; sur la place <>des talons-aiguilles dans les phantasmes masculins ; sur des femmes de plus de soixante ans, voire soixante-dix - ô horreur -, et qui ont de belles gueules et pas seulement de vieilles peaux, quelle délivrance ! D’ailleurs, nous répondions à un vrai désir des lectrices. Nous avons tiré à deux cent mille exemplaires et eu beaucoup d’abonnés, qui s’engageaient pour deux ans !


Josyane - Et c’était un magazine bien mis en page - beau papier, belles photos... -, pas du tout un petit journal sur papier recyclé comme tant de revues féministes de l’époque.


Benoîte - Justement il coûtait cher à fabriquer et les publicitaires, qui s’étaient un peu laissé forcer la main et nous avaient accordé de gros budgets, retrouvaient leurs réflexes misogynes, ou plus exactement anti-féministes. Nous ne voulions pas parler de mode sans nous réserver le droit de critiques, ni consacrer d’innombrables pages aux serviettes hygiéniques, aux tampons, aux protège-slips « qui libèrent la femme »... etc. Alors ils ont fini par nous étrangler. La pub est revenue dès que cuisine, mode et beauté sont redevenues l’unique souci du Nouveau F.


Josyane - Vous l’avez senti tourner, le vent, à un moment ?


Benoîte - Oui. Il soufflait sur toutes nos illusions. Les éditeurs ont laissé tomber leur collection « Femme » ; ils avaient tous une (ils nous avaient tous eues ?) : Denoël, Stock, Laffont... La presse n’a plus rendu compte des manifestations féministes... Nous retournions dans l’ombre.


Josyane - Vous avez compris que, finalement, ce qu’on avait pris pour un vrai tournant de société n’était qu’une mode ?


Benoîte - J’ai senti que chez les femmes c’était un profond changement, et que ce qui était acquis ne serait pas rendu... Mais qu’à l’extérieur, il faudrait désormais adopter un profil bas. Heureusement, à ce moment, la gauche est arrivée au pouvoir grâce aux votes des femmes, d’ailleurs, et, au moins durant les premières années, celles du ministère des Droits de la femme, le premier de notre Histoire, les socialistes ont réalisé nombre de réformes qui ont amélioré le statut féminin sur les plans civil, professionnel et personnel.

Contributeurs (1)
Cécile Libellune