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ENFIN FEMINISTE
chap. VIII

toujours à vous dire écrivaine ?


Benoite Ça suscite quelques sourires apitoyés : "la pauvre
elle est obsedée par le féminisme !" Mais je trouve
groteste d'être UNE romancière et UN écrivain.
on dit chatelaine et souveraine. Erivaine
c'est grammaticalement correct alors je tiens bon.
J'avoue que je craque devant les Inspecteurs du
Fisc... Quand je remplis ma Déclaration de Revenus
à profession, j'inscris ECRIVAIN au cas où je
tomberais sur un ou une misogyne!


Josyane Ce qui me trouble, je dois bien l'avouer, c'est mon
propre comportement. Je suis convaincue que ce qui n'est
pas nommé n'existe pas et d'accord sur la portée symbolique
de votre combat. Mais je n'arrive pas à me mobiliser
pour cet enjeu. Tout de même, sur ma carte de visite
j'ai fait mettre rédactrice en chef. Mais pourquoi ne
pas laisser évoluer les choses d'elles-mêmes ? Pourquoi
cette rage de réglementer ?


Benoîte Parce que, quand il s'agit des femmes, rien
n'évolue tout seul. Rien n'est octroyé sans combat.
Quand à l'importance de notre action, si on la mesure à
la violence des réactions suscitées, on conclut que nous
nous sommes livrées à un véritable acte de terrorisme
verbal! Une violence qui confirme que le langage
touche à quelque chose de profond, de viscéral en cha-
cun de nous... Ce n'est pas un simple outil pour
communiquer, c'est le reflet de nos préjugés, le miroir
de nos rapports de force, de nos désirs inconscients.
Comment les femmes parlent, comment on leur parle,
comment on parle d'elles, tout cela joue un rôle essen-
tiel pour l'image qu'elles donnent et plus encore qu'elles
se font d'elles-mêmes. Rendre invisible dans le vocabulaire
l'accession des femmes à de nouvelles fonctions c'est une façon
de la nier. Les hommes, eux s'accomodent d'autant mieux du
langage que les lacunes du vocabulaire ne les concernent pas : si on ne les appelle pas monsieur
la Sage-femme !

Contributeurs (2)
Camille_D Gresloue