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-6bis-
CHER PAUL

Je ne parviens même pas à me souvenir du
déroulement de cette première nuit. Moi qui aime les
préliminaires, les travaux d'approche, les hésitations,
on me les avait escamotées et je me retouvais nue
complètement - dépaysée face à un monsieur qui ne s'était pas fait désirer
et que je n'aurais jamais choisi sur catalogue ! Je ne
sais plus si c'est avec des mots ou des caresses qu'il m'a
embarquée, je ne me souviens que d'un climat émo-
tionnel et du moment où Paul m'a dit : "Mais tu
pleures ?" en me serrant très fort contre lui. Je n'aurais
su dire d'où venaient ces larmes, sûrement de très loin,
comme si j'accédais en fin à une patrie commune avec
un homme, à une réconciliation fondamentale avec moi-
même. Réconciliation si laborieuse parfois. Car on a
oublié aujourd'hui les relations tourmentées qu'entre-
tenaient les jeunes filles et même les jeunes femmes
jusqu'aux années 70 avec leur sexualité. On a oublié
comme il était difficile pour nous d'accepter nos organes
génitaux, ces inconnus dans la maison. On a oublié
que nous avons toutes eu honte de notre corps, "down
there" surtout, comme disait ma Nannie irlandaise.
Don't forget to wash yourself down there, Rosie, me
rappelait-elle chaque jour avec une imperceptible moue
de dégoût.

Comment faire confiance en effet à ce corps qui
nous avait déjà trahies une première fois au sortir
de l'enfance, en vous imposant le rituel sanglant de
nos règles, subies dans la stupeur et sans explication,
revenant sans cesse et nous laissant dans la
terreur que "ça" se voie, que les garçons découvrent
ce que nous cachions tous les mois dans des serviettes

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