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Chapitre VII
CHER PAUL

Et puis, en 1970, à ma grande surprise, j'ai atteint la cinquantaine, assisté au grand branle bas de 68 et éprouvé soudain le besoin de faire le point sur les bribes de féminisme éparses dans mes romans et surtout dans les articles que je publiais dans divers magazines. J'étais pourtant si bien assignée associée à la case "littérature féminine" et si peu considérée comme une féministe que personne ne m'avait proposé de signer la déclaration sur l'avortement, connue sous le nom de "Manifeste des 343 salopes". Je le regretterai toute ma vie quand je vois les noms des signataires Simone de Beauvoir, Delphine Seyrig, Christiane Rochefort, Colette Audry, Ariane Mnouchkine, Marina Vlady, Marguerite Duras, Dominique Desanti et tant d'autres, je me dis que ma place était parmi ces femmes que j'admirais tant.

-> Mais il s'est passé un phénomène que je ne m'explique toujours pas : je n'ai été considéré (du moins avant Ainsi soit-elle), ni comme une vraie féministe, ni comme une vraie romancière !

Pas une vraie féministe parce que je ne faisais pas partie du ghetto universitaire qui seul assure la notoriété et l'attention des collègues. Celles dont jouissaient des femmes comme Hélène Cixous (agrégée de lettres, docteur d'Etat), Luce Irigaray (philosophe), Julia Kristeva (sémioticienne, avant de devenir aussi psychanalyste), Andrée Michel (directeur [sic] - de recherches au CNRS), Marie-Josée Chombart de Lauwa (maître de recherche) ou des maîtres-assistances à l'université, des anthropologues africanistes comme Françoise Héritier-Augé (deuxième femme professeur au Collège de France, et "directeur", elle aussi, du Laboratoire d'anthropologie sociale). Ou encore Nicole Loraux1, spécialiste de la pensée grecque et de la situation des femmes, mais qui se veut "directeur", elle aussi, à l'Ecole des hautes études en sciences sociales, ou Véronique Nahoum-Grappe2, sociologue, ou Annelise Maugue3, docteur de troisième cycle, ou encore des linguistes comme Claudine Hermann4, etc.

Je n'étais pas éditée non plus par Antoinette Fouque, une des figures du féminine d'avant-garde

1. Les Enfants d'Athéna, Maspero, 1981.

2. Le Féminin, PUF.

3. L'Identité masculine en crise, Rivages, 1991, coll. "Histoire."

4. Les Voleuses de langue, Des Femmes, 1976.

Contributeurs (1)
srouault