Chapitre VII
p. 30
Cher Paul
La réponse était déjà une évidence pour Paul. Il était finalement plus féminisme que moi. Et puis, comme toute nouvelle convertie, j'étais sans doute un peu trop obsédée par mon sujet.

- Je ne suis pas la personne qu'il te faut, me dit-il. sur certains des thèmes que tu veux aborder, tu devrais peut-être discuter avec une autre femme, une journaliste de préférence et d'une autre génération. Mais pas une féministe déclarée surtout. Une dans un livre, c'est bien mais ca suffit... sous peine de ne pas être lue ! 
     

C'est un conseil dont j'allais me souvenir 30 ans plus tard. Mais en 1975, j'avais déjà beaucoup écrit à 4 mains et je n'avais plus envie de faire un "ouvrage de dames" comme diraient les critiques mais un livre de combat. L'envie de témoigner et de combler mon immense retard me taraudait, d'autant plus que Paul avait tout de suite eu l'idée d'un titre, le plus beau de toute évidence qu'on puisse donner à un essai féministe après le IIe SEXE: AINSI SOIT-ELLE !

quel plus précieux cadeau un écrivain peut il faire à un autre écrivain ? quel plus magnifique diamant un mari peut il donner à sa femme ? Car un beau titre c'est beaucoup plus que quelques mots, c'est une locomative qui va aider à tirer tout un livre et je me suis mise au travail dans l'enthousiame.

D'une manière que personne ne prévoyait, AINSI SOIT-ELLE allait devenir le livre le plus vendu en France de toute ma carrière. Et il n'est hélas pas périmé 30 ans plus tard, tant les droits du IIe Sexe ont été remis en question dans tous les pays, à tout propos et pour les raisons les plus diverses.