Vous visualisez actuellement un média autre que celui transcrit/à transcrire.
-8-

Rosie Groult

chaussettes de leur nombreuse progéniture et venaient
chercher leurs filles en classe vêtues de tailleurs sombres ou de manteaux
d'astrakhan l'hiver. Maman détestait l'astrakhan. Elle
porta longtemps, beaucoup trop longtemps à mon goût, un ahurissant
manteau de singe avec des poils noirs en bataille. L'idée
qu'elle pourrait apparaître à la porte de l'institut Ste Clothilde, rue de Villers
exel, Paris 7e, avec ses escarpins à talons qui claquaient 
sur le trottoir d'une manière indécente, ses <<bibis>> extravagants et son
allure de reine, s'apparentait à un cauchemar. 

Elle ne vint jamais par bonheur et l'Ecole put rester pour moi un refuge
contre ses exentricités et l'occasion de cultiver un réel
goût de l'étude, encouragé par un tempérament moutonnier et besogneux. A
la Sorbonne , plus tard, je multiplierais les certificats,
grec, philologie, études pratiques d'anglais, biologie... tout pour rester
étudiante et retarder l'entrée dans l'arène, où il faudrait "tenir
la dragée haute" (encore une expression de ma mère) aux garçons qui
constituaient à mes yeux une tribu redoutable, aux moeurs
mystérieuses, mais globalement hostile aux filles. Et il faudrait pourtant que je
"décroche" parmi eux un mari (toujours le vocabulaire
de la performance), ce qui me paraissait, vu l'état de mes munitions, un
exploit hors de portée. Tout à fait à côté de la plaque mon
père, citant Barrès, me répétait : "J'aime les jeunes gens qui entrent dans la
vie l'injure à la bouche". A moi qui n'avait jamais su dire

Contributeurs (1)
a.lebreton