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Rosie Groult

ZUT!

Avec mes complexes, j'étais faite sur mesure pour imtégrer le troupeau
des agnelles de Dieu. Ne serait-il pas plus simple en effet
d'entrer au couvent où m'attendait un divin époux? Finie l'obligation de faire la
belle, finie, la lutte pour réussir.

Finis les talons hauts, le rouge Guitare, les indéfrisables ratées, les hideux
bigoudis. De toute façon les bonshommes n'aimaient que les blondes vaporeuses et les coquettes futiles. J'ai caressé ce projet
religieux sans véritable sincérité et sans doute par défi à mes
parents, pendant près d'une année.

Plusieurs de mes compagnes (on ne disait pas encore copines, les
garçons seuls avaient des copains) se préparaient à entrer
dans les Ordres. Déjà petites, elles avaient fait partie des Enfants de Marie,
ce qui leur conférait prématurément ce maintien de
dignitié triste teinte de reproche qu'on voyait aux dames qui revenaient de la
Sainte Table. Certaines, qui avaient perdu un proche, 
étaient << vouées au bleu et au blanc >>. Ca m'aurait bien plu... Après tout,
j'avais moi aussi perdu une petite soeur, de deux ans ma
cadette, mais ma mère aimait beaucoup trop les couleurs vives et pas assez
la Vierge Marie pour accepter cette contrainte
vestimentaire. Et elle aimait beaucoup trop la vie, et ma vie, pour consentir à
mon renoncement. Le mot seul lui faisait horreur.

j'avais tellement peur de quitter le royaume libre et indéterminé de
l'enfance que je me suis longtemps cramponnée à l'âge ingrat,

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apolline.cottineau