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MON EVASION
HISTOIRE D'UNE EVASION


Ces vers de Sully Prudhomme, que toutes les petites filles avaient appris par coeur avant-guerre, te me revenaient soudain en mémoire. C'est une des vertus secrètes de la poésie, même la plus anodine, de vous remonter aux lèvres du fond de l'oubli quand elle entre soudain en résonance avec un événement de votre vie.

Et qu'aurais-tu pensé, ma Zazate, si tu avais su que ta chère George Sand, dont la vie semblait faire signe à la tienne, avait elle aussi reçu une gifle de son jeune mari, et pour le même motif : désobéissance ! Un motif grave, d'ailleurs : "La désobéissance est le pire fléau, dit Créon à Antigone. Nous ne devons tolérer en aucune manière qu'une femme nous donne des leçons. Elles doivent rester des femmes et non pas faire leur quatre volontés." George ne s'appelait encore qu'Aurore et n'avait que vingt ans, quand se passa la scène qu'elle racontera dans Histoire de ma vie et qui allait mettre un terme à son mariage. Elle "faisait la folle", ce sont ses propres mots, dans son jardins de Nohant, avec les enfants d'amis venus passer l'été. Au cours de leurs jeux, un peu de sable vint à tomber dans la tasse d'un ami de Casimir, qui ordonna à sa femme de cesser ses enfantillages. Elle n'en fit rien et gambada de plus belle. Alors il se leva de son fauteuil, marcha sur elle et la gifla devant son fils et tous leurs amis. "Depuis ce jour je ne l'aimai plus guère et tout alla de mal en pis", écrit Aurore.

Bien sûr Georges était autrement plus séduisant que le grossier Casimir, mais toi, ma Zazate, autrement moins déluré que l'ardente George Sand. Cependant, la "légère meurtrissure" fa continuait son oeuvre, s'apprêtant à fêler définitivement votre couple.

A Je n'osais plus écrire, même mon journal, considéré comme une activité malsaine pour une femme mariée. J'avais fini par décrocher du mur les photos de Pierre car Georges était
mur les photos de Pierre, car Georges était d'un naturel jaloux et possessif. Mais il me donnait beaucoup plus de preuves de jalousie que d'amour. Je ne pouvais recevoir une boîte de chocolats sans qu'il parle d'aller "casser la gueule" au donateur. "Descends, si t'es un homme!", ça se disait, ce genre de connerie ! Il l'a d'ailleurs dit à mon ami Noguer un technicien de radio avec lequel je travaillais. C'était un vrai homme, quoi! J'ai longtemps cru qu'il ne m'aimait pas assez et qu'en m'acharnant, il finirait par me faire confiance. Si je n'y arrivais pas, c'était ma faute.

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Aviana