EPILOGUE
Ploc ne dégustait même plus les mollusques, oursins et crustacés que nous ramenions chaque jour dans nos paniers d'osier, seule la vodka lui faisait encore plaisir. Il se recouchait après le déjeuner, faisait une sieste qui durait jusqu'au soir, se réveillait grâce à 2 ou 3 wiskies single malt, dinaît vaguement depuis que le cuisiner ne l'amusait plus, lisait plus vaguement encore, avant d'entrer dans sa nuit ; "Entends, ma chère, entends la douce nuit qui marche, aimait il à dire, chaque fois que soufflaient les rafales venues de l'ouest qui faisaient frissoner les flammes bleues de la tourbe dans la cheminée. Jusqu'à ce que mon réveil strident l'arrache à l'inconscience qui semblait désormais son climat, pour enfiler des vêtements de pêche encore humides et raides de sel et se traîner jusqu'au bateau, qui, hélas pour lui, était toujours à son mouillage, au bout du va-et-vient.
J'ai longtemps voulu croire que ces parties de pêche en Irlande avait constitué son dernier bonheur, que je lui donnais la chance d'être encore, un jour de plus, le Patron à bord, de choisir sa route et de s'imprégner de la beauté toujours recommencée des petits matins.
Mais sur les photos, qu'ils ne prenait plus lui-même d'ailleurs comme si plus rien ne requérait son intérêt, je discerne aujourd'hui une absence.
Sur l'une d'elles, je revois son sourire, le dernier jour du dernier été en Irlande au dernier retour de pêche... Ploc est assis à l'arrière. Lamb's Island est noyé de brume, son regard lui aussi sous sa casquette de marin et il arbore un sourire très large comme il n'en avait jamais, le sourire forcé du devoir accompli, du semblant de bonheur, du plaisir de faire plaisir. Je doute qu'il ait été heureux d'autre chose que de mon bonheur des dernières années.
1 Baudelaire