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chapitre VI
surtout, littérature, poésie ou morale, ou tu ne connaissais pas les auteurs dont je te
parlais, ou tu traitais mes idées de folies, de sentiments exaltés ou romanesques.…
Je cessai d'en parler. Je résolus de prendre tes goûts. »

Je formai la même résolution. L’ennui, c'était que prendre les goûts de mon
mari consistait d’abord à oublier les miens. || n’y avait pas place pour deux systèmes
de valeurs. À mon programme figuraient désormais des sports que j'avais
complètement ignorés jusque-là : le rugby, la boxe, la corrida, les courses de
chevaux et les résultats sportifs du dimanche. Heureusement, le secret que Georges
tenait à préserver sur le montant de ses pertes au jeu m'épargna la fréquentation de
Vincennes ou de Longchamp. Mais j'assistai, l'air emballé, à des matchs de rugby
sans jamais comprendre à quoi rimaient ces mêlées sinon à me laisser admirer des
derrières et de puissants mollets ; je suivis Georges à des combats de boxe, fermant
les yeux d'horreur à chaque coup dur ; je feignis d'apprécier la beauté des corridas et
d'oublier l'écoeurement du sang versé ; je me mis à commenter laborieusement les
résultats sportifs, programmes sacrés de nos dimanche, le matin, pour les
pronostics, le soir, pour les résultats. Enfin, je tentai de m'intéresser à ses amis, ce
qui impliqua très vite l’espacement puis la disparition des miens, qui rappelaient
désagréablement à mon conjoint que j'avais eu une vie avant lui. Très vite aussi, il
préféra voir ses amis sans moi puisque aussi bien eux-mêmes venaient le plus
souvent sans leurs épouses. Dans ces années d’après-guerre, les hommes et les
femmes ne savaient pas encore vivre ensemble. Les mâles formaient un vaste club
où claquaient les oriflammes de la virilité et où ils se sentaient à l'aise, surtout ceux
du Sud-Ouest, où persistait une solide tradition : parties de chasse, pétanque, pelote
basque, apéro, PMU, autant d'activités qui excluaient les femmes. Comme au

Rotary, c'est aux anniversaires seulement qu'on invitait les dames.