chapitre05
non loin de la clinique du Belvédère où je gisais avec ma fille. Il venait passer toutes les après-midi à mon chevet.
C'était en mai, il faisait doux, ma fenêtre s'ouvrait sur des arbres au feuillage tout neuf ; Paul était journaliste de radio comme son ami Georges ; j'aimais bien la femme de Paul qui avait un petit garçon de l'âge de Blandine ; Paul avait été le témoin de Georges à notre mariage, puis le parrain de notre petite fille : nous avions loué l'été précédent la même villa à Port-Manech : enfin, nous habitions la même rue à Paris... Nous formions en somme deux couples à haut risque. C'était la première fois que nous nous trouvions seuls, Paul et moi, et nous nous aperçumes que nous aimions les mêmes poètes, un détail qui eût dû nous alerter. Les poètes ont d'étranges pouvoirs.
Mais le temps n'était pas venu. Je restais très amoureuse de Georges et je n'avais pas encore découvert que "c'est l'esprit et non le corps qui fait durer les mariages" si l'on en croit Publius Syrius (1)
Et puis, ce Paul ne m'attirait pas spécialement : trop maigre, trop pâle, trop peu sportif, trop amateur de whisky et trop d'humour pour moi. Enfin, sa réputation de grand séducteur me rebutait. J'ai toujours détesté les grands séducteurs. Je ne sais pas comment j'ai fait pour vivre plus de quarante ans avec l'un deux ! Grand, il l'était par la taille, séducteur par le nombre de filles que je voyais graviter autour de lui, à la radio et ailleurs. Il était si maigre et si blanc que ma mère me dirait, quand je l'épousais trois ans plus tard : " Dire que tu t'es débrouillée pour te trouver un autre poitrinaire !"
Pour l'heure, nous étions à mille lieues de penser qu'il aurait un jour envie de reprendre sa liberté. et le courage de mettre fin à un mariage qui semblait le géner si peu pour vivre à sa guise ; ou que, de mon coté, j'aurais assez de clairvoyance pour
1 IIe siècle avant JC