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chapitre VI

en 1950. Il existait des mots que nous n'avions jamais prononcés, Georges et moi,
des zones que nous n'avions jamais touchées sur nos corps ou dans nos âmes. On
vivait dans le noir, comme on faisait l'amour.

Je me demande aujourd’hui comment nous avons pu « préférer » avorter à
répétition plutôt que de recourir au préservatif. Mais je sais que cette question n’a
pas de sens. Elle ne se posait pas de cette façon et même ne se posait pas du tout.
C'est comme si on interrogeait un chauffard : « Alors, vous préférez mourir plutôt que
de ralentir ? » Il vous répondra qu'il préfère ne pas ralentir ET ne pas avoir
d'accident. Je préférais continuer à faire l'amour ET ne pas tomber enceinte. Ce n'est
d’ailleurs pas de cela que nous étions morts Georges et moi.

À cette inconséquence stupéfiante, qui était celle de toutes les femmes de ma
génération et de tant de celles qui l’ont suivie, il n'y a pas d'explication, sinon que la
sexualité a toujours fonctionné en dehors des logiques, des prévisions et des
morales. La sexualité, c'est la folle du logis.

De notre échec, Georges ne se sentait pas responsable. Ne pas rendre sa
femme heureuse n’a jamais constitué une faute pour un mari. Tout juste un peu de
négligence, mais c’est la vie qui veut ça. Les femmes, la plupart d’entre elles, n’ont-
elles pas tout pour être heureuses ? L'eau courante, que n'avaient pas toujours leurs
mères, une cuisine moderne, des appareils ménagers toujours plus fonctionnels,
renouvelés à chaque anniversaire, et puis ce grand bébé-homme à dorloter, pas
toujours commode c’est vrai, mais elles adorent ça au fond.

Le problème c'est qu'elles en demandent trop. Et puis qu'elles se laissent
déborder par le travail à la maison, ajouté au travail professionnel, qu'elles ont choisi
de faire, le plus souvent. Mais elles ne savent pas s'organiser. Un homme saurait
mieux gérer son temps.
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Marrluxia