Madelon
Mon malheur est plus grand, mon cher Monsieur Gnafron,
Depuis trois jours, Guignol méconnait ma tendresse,
J'ai beau lui prodiguer mes soins et mes caresses,
L'appeler « mon bozon, mon belin, mon gros loup »
Il est à mon égard froid comme un cantaloup.
Il ne boit plus du tout, il ne mange plus guère.
Il n'est plus le joyeux compagnon de naguère,
Querelleur, paresseux, boute en train, folichon,
Toujours prêt à chanter la maman Godichon.
Je le trouve à présent tout chose et tout bibasse.
Je crois qu'une bardoire et son roi-péteret
Se sont mis à ronger le cerveau du pauvret.
Gnafron
Ce que vous dites là me surprend et m'attriste.
Guignol deviendroit-il, juste Ciel, un artiste,
Un rêveur, un poète, un déséquilibré...
Pour tout dire en un mot : un gone un peu timbré ?
Cachez l'encre et la plume... Empêchez-le d'écrire,
Il aura vite fait de retrouver son rire.
Scène 3
Les mêmes, Guignol
(Il entre à gauche. Il porte d'une main un énorme porte-plume et un écritoire, de l'autre main un volumineux cahier de papier blanc.)