analogue à la "juivitude".
A travers l'antisémitisme distingué qui a longtemps
régné en France, Jean-Paul Sartre a parfaitement décrit cette
attitude, que l'on croit bénigne, et qu'il appelle "la misogynie
(ou l'antisémitisme) de salon." On voudrait les faire passer pour
un jeu de l'esprit, un badinage sans conséquence. Mais il faut
le répéter, il n'existe pas de misogynie charmante ou innocente,
pas plus que d'antisémitisme ou de racisme sans danger.
Quant à l'antiféminisme, c'est une machine de guerrepeut-être plus redoutable que la mysogynie parce qu'elle se
cache derrière une sublimation de la "vraie femme" et une défense
de la famille, face aux EXCES des femmes émancipées et autres
lesbiennes. Le mot "excès" va devenir le maître-mot pour contrer
les féministes, alors que justement les mouvements de femmes ont
toujours choisi d'être non-violents.
Le mot ANTIFEMINISME ne figure d'ailleurs dans aucun
dictionnaire, ancien ou récent, alors que l'anticommunisme ou
l'anticléricalisme sont d'usage courant. Les mots sont toujours
des révélateurs; en l'absence de toute référence universitaire
ou historique, en l'absence "d'un mot pour le dire", comme écri-
vait Marie Cardinal, l'antiféminisme parvient à passer inaperçu.
Pourtant il est partout à l'oeuvre et n'hésite pas à user de
la violence ou de la pire grossièreté sexiste, quand il se sent
menacé, par exemple dans le lieu le plus symbolique de son pou-voir : la politique.
Dans un pays si fier de sa galanterie - qui n'est autre
en fait que la face aimable du sexisme - toute femme en vue
court aujourd'hui, comme hier, le risque d'être traitée de "pute".
Traiter publiquement un Arabe de "sale bougnoule" est un délit,
réprimé par la loi antiraciste; mais traiter une femme de "sale
pute" n'est qu'une opinion ! Ce qui montre bien la nécessité
d'une loi antisexiste. J'en donnerai quelques exemples illustrantde fait la virulence des insultes à connotation sexuelle s'ac-
croit avec la menace que représente l'entrée des femmes dans les
sphères, jusqu'ici bien gardées du pouvoir : qu'il soit économique
ou politique.
Edith Cressonqui se fait traiter en séance publique à
l'Assemblée Nationale de "courtisane élue par le bon plaisir du
roi". On la surnomme la Pompadour, du jour où le Président Mit-
terrand la nomme Première Ministre. Ce poste suprême
transgression inacceptable de la part d'une femme et