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V (1) 29

Ce matin, il y avait un chat mort dans le port, un chat noir qui
flottait à la surface de l'eau, il était droit et raide, et il dérivait
lentement le long d'une barque. Hors de sa gueule pendait une tête de
poisson décomposée dont de laquelle dépassait un fil de pêche cassé d'une longueur
de deux ou trois centimètres. Sur le moment, j'avais simplement imaginé
que cette tête de poisson était ce qui restait d'un appât de ligne morte,
le chat avait dû se pencher dans l'eau pour attraper le poisson et, au
moment de s'en saisir, l'hameçon accroché dans la gueule, il avait perdu
l'équilibre et était tombé. L'eau du port était très transparente à l'endroit
où je me trouvais, et de temps en temps passait sous mes yeux un cortège
silencieux de poissons, des labres ou des mulets, tandis que, tout au fond,
parmi les algues et les cailloux, des myriades grouillantes d'alevins s'achar-
naient sur le cadavre éventré d'une murène en décomposition. Avant de repartir,
je m'attardai encore un instant sur la jetée à regarder le chat mort,
qui continuait de dériver dans le port, dans un très lent mouvement de va
et vient, tantôt vers la gauche et tantôt vers la droite, suivant le flux
et le reflux imperceptible du courant à la surface de l'eau.



J'étais arrivé à Sasuelo à la fin du mois d'octobre. C'était déjà
l'automne, et la saison touristique touchait à sa fin. Un taxi
m'avait déposé un matin sur la place du village, avec mes valises et mes
sacs. Le chauffeur m'avait aidé à détacher la poussette de mon fils de
la galerie de la voiture, une vieille cinq-cent-quatre diesel dont il n'avait

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