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Rosie Groult
Je n'avais pas le courage d'être une excentrique. Ni les capacités.
Et je n'avais de secours à attendre de personne et encore moins de mes
lectures. Plus je lisais, au contraire, plus m'apparaissait
cette évidence qu'il n'existait pas d'avenir indépendant pour les filles. Je
n'avais pas même le soupçon qu'une
exister. Une chambre à soi, écrit en 1929, ne sera traduit en français qu'en
1951 (1)! J'ignorais tout bien sûr d'une
Wollstonecraft
Wess
d'avoir vingt-cinq ou trente ans. Et sans mot pour le dire,
comment concevoir la chose? Ma mère se moquait bien du droit de vote et de la politique en général. A moi d'en faire autant.
Je vivais en somme dans une sorte d'innocence, mais comme on dit <<
l'innocent du village >>. Nous d'avant guerre, qui avions
eu dix-huit ans en 1939, nous avons été presque toutes des innocentes du
village. D'un village planétaire. Et c'était pire ailleurs! Au
moins n'étais-je pas une de ces négresses à plateau que j'avais vu/es
/, exhibées
comme des guenons sur une estrade, à l'Exposition
coloniale de 1936. J'avais seize ans déjà, mais l'idée ne/m
qu'elles aussi étaient femmes << à condition >>. A
condition de plaire aux hommes qui fixaient les critères à leur guise, fussent-
ils les plus cruels, et n'épousaient qu'en cas de
conformité.
1 Par Clara Malraux
Contributeurs (1)
Aviana