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V ② 197

La dernière fois que j'avais vu Hélène, c'était à Paris, il y a douze
jours exactement, et nous avions fait l'amour ensemble pour la première fois.
Depuis, je ne l'avais plus revue. Nous nous étions ratés un soir peu avant mon départ dans une
brasserie où elle m'avait donné rendez-vous, ou plutôt je n'avais pas pu
me résoudre à franchir les quelques mètres qui me séparaient d'elle, car
j'étais arrivé très en avance dans la barsserie ce soir-là et lorsqu'elle
arriva elle-même, je ne bougeai pas, je ne sais pas pourquoi, je demeurai
assis sur la banquette que j'occupais dans le fond de la salle. Elle jeta
un coup d'oeil alentour sans me voir et alla prendre place à une table près
de la baie vitrée. Elle était vêtue d'un chemisier blanc et d'une jupe verte
ample et légère, ses lèvres et ses yeux étaient légèrement maquillés et il
y avait quelque chose de radieux et de simple dans son visage qui me touchait.
Elle m'attendait sans impatience, comme si elle n'attendait personne en réalité, sortit
un livre de son sac à main et commença à lire. Je ne la quittais pratiquement
pas des yeux, apercevant son reflet de profil dans le miroir qui me faisait
face, et j'éprouvais le sentiment d'être idéalement présent à ses côtés,
beaucoup plus présent peut-être que si j'avais été réellement à côté d'elle,
car je me serais alors sans doute aussitôt réfugié dans une sorte d'absence
intouchable et protectrice. D'une certaine manière, pourtant, cela ne m'aurait
pas déplu qu'elle m'eût soudain aperçu à l'improviste dans la salle et qu'elle
fût venue me rejoindre, je lui aurais souri sûrement, les yeux baissés, et
lui aurais reproché amèrement de m'avoir fait attendre. Elle aurait souri
aussi, j'imagine, ou aurait émis quelque réserve, ou m'aurait pris la main
par-dessus la table, enfin quelque chose se serait passé et j'aurais été
contraint malgré moi d'accompagner le cours des instants qui passaient, plutôt

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