Ce matin, il y avait un chat mort dans le port, un chat noir qui
flottait à la surface de l'eau, il était droit et raide, et il dérivait
lentement le long d'une barque. Hors de sa gueule pendait une tête de
poisson déjà décomposée dont dépassait un fil de pêche cassé d'une
longueur de deux ou trois centimètres. Je restai quelques instants sur
la jetée à regarder flotter le chat, imaginant que la tête du poisson
était ce qui restait d'un appât de ligne morte, le chat avait dû se
pencher dans l'eau pour attraper le poisson et, au moment de s'en
saisir, l'hameçon accroché dans la gueule, il avait perdu l'équilibre
et était tombé.
L'eau du port était très transparente à l'endroit où je me trouvais,
et de temps en temps passait sous mes yeux un cortège silencieux de
poissons, des labres ou des mulets, tandis que tout au fond, parmi les
algues et les cailloux, des myriades grouillantes d'alevins s'acharnaient
sur le cadavre éventré d'une murène en décomposition. Avant de repartir,
je m'attardai encore un instant sur la jetée à regarder le chat mort,
qui continuait de dériver dans le port, dans un très lent mouvement de
va et vient, tantôt vers la gauche, tantôt vers la droite, suivant le
flux et le reflux imperceptible du courant à la surface de l'eau.
J'étais arrivé à Sasuelo à la fin du mois d'octobre. C'était déjà le
début de l'hiver, et la saison touristique touchait à sa fin. Un taxi
m'avait déposé un matin sur la place du village, avec mes valises et
mes sacs. Le chauffeur m'avait aidé à détacher la poussette de mon fils de
la galerie de la voiture, un vieux diesel dont il n'avait pas coupé le